Julia KRISTEVA
Le Génie féminin. Melanie Klein
Fayard, 2000, 448 pages, 140 F.

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Ce livre est le volet central d'un triptyque voué, comme son titre l'indique, à illustrer « le génie féminin ». Le premier volet ou volume était consacré à Hannah Arendt (1999) ; le troisième, à venir, le sera à Colette. Mais chaque volume peut être lu indépendamment des autres. Il n'y a ici que quelques allusions à Hannah Arendt par exemple, issue comme Melanie Klein de milieux juifs laïcisés, insoumise qui se risque à penser ; ou à Colette, auteur du livret de L'Enfant et les sortilèges écrit pour la musique de Ravel. Pour présenter son héroïne, Julia Kristeva utilise largement l'excellent ouvrage de Phyllis Grosskurth, Melanie Klein, son monde et son oeuvre (cf. Etudes, avril 1990), avant de proposer, de l'oeuvre théorique et de sa place dans l'histoire de la psychanalyse naissante, une interprétation riche et personnelle. Réfugiée en Angleterre entre les deux guerres, Melanie Klein y fonde véritablement la psychanalyse des enfants (en commençant, comme d'ailleurs l'avait fait Freud, par analyser ses propres enfants). Elle s'y montre novatrice, en particulier en y introduisant la méthode du jeu : jouer devient pour elle (et, après elle, pour tous les analystes d'enfants) la voie royale vers l'Inconscient, comme le rêve l'avait été pour Freud avec les adultes. Novatrice, elle l'est plus encore par l'insistance sur la place de la mère dans le monde imaginaire le plus archaïque de l'enfant, sur la précocité de l'amour et de la haine qui s'expriment chez le tout-petit à l'égard du sein maternel, sur les angoisses que suscite cette mère toute-puissante et sur les stades du développement de l'enfant, qu'elle désigne comme position schizo-paranoïde et position dépressive. On ne peut ici reprendre en détail cette analyse de la pensée kleinienne et on ne peut qu'évoquer ses prolongements, en Angleterre tout d'abord, où le successeur le plus connu est Winnicott, mais aussi en France, où Lacan n'a pas été sans être marqué par l'influence de Melanie Klein, même si, au passage, il la qualifie aimablement de « tripière inspirée ». En tout cela, qui est exposé avec rigueur et brillant, comment se manifeste « le génie féminin » ? En ce qu'il fallait une analyste femme pour saisir intuitivement les profondeurs de l'univers maternel. Entre le machisme de Freud et le phallocentrisme de Lacan, qui exaltent l'un et l'autre la fonction paternelle, Melanie Klein ouvre une voie de pénétration dans le monde archaïque maternel, où se forge le devenir de tout homme.

François Courel

Juin 2000 : Revue des Livres - Choix de Disque - Sommaire du numéro

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